::: ILE-DE-FRANCE
LA TRIBUNE – 27/01/2017
Voies sur berges : la guerre des chiffres
A Paris, la fermeture des voies sur berges, comme ici le 26 octobre 2016, entraîne mécaniquement une augmentation des véhicules sur les voies et rues qui bordent en surplomb les quais de la Seine.
Chacune dotée de son comité de suivi, la Mairie de Paris et la Région se livrent une lutte acharnée au sujet de l’impact de la piétonisation des voies en matière de trafic, de temps de parcours et de pollution.
« Nous n’assistons pas à l’effet d’évaporation attendu : les effets de report sont très importants, allant jusqu’à l’A86 ; les nuisances sonores augmentent, et la pollution de l’air s’aggrave. »
C’est ainsi que, le 19 janvier, Valérie Pécresse résumait le troisième rapport d’étape du comité d’évaluation régional de la fermeture de la voie Georges-Pompidou, installé en septembre sous l’autorité du professeur Pierre Carli, médecin chef du Samu de Paris.
Pourtant, trois jours plus tôt, la Ville de Paris notait une nouvelle réduction du trafic sur les principaux axes de report, et des temps de parcours inférieurs à ceux prévus par l’étude d’impact.
« La réduction du trafic sur les axes de report, constatée depuis octobre, se confirme en décembre 2016, indique un communiqué de presse de la Mairie. Elle démontre que les automobilistes qui empruntaient autrefois les quais bas rive droite sont de plus en plus nombreux à adapter leur itinéraire ou leur mode de transport. »
Et la Ville de conclure : « La situation est donc encourageante et cohérente avec les prévisions de l’étude d’impact. »
Des chiffres en Open Data qui n’empêchent par la guerre de diagnostics
Mois après mois, ces déclarations contradictoires rythment le feuilleton dont la piétonisation de la voie Georges-Pompidou a constitué le premier épisode. Sur l’évolution entre septembre 2015 et septembre 2016, quand la Mairie de Paris notait un allongement de 39% du temps de trajet sur les quais hauts le soir, la Région affichait une augmentation de 74%.
C’est bien connu, on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut. Mais il n’en reste pas moins étonnant d’aboutir à des résultats si divergents à partir de mesures dont une grande partie est commune. En effet, les données concernant le trafic, qu’elles soient utilisées par la Ville de Paris, qui les transmet à la préfecture, ou par la Région, proviennent de capteurs de type boucles électromagnétiques appartenant à la Ville. Installés de façon permanente dans les chaussées, ils alimentent la régulation en temps réel des feux tricolores mais aussi une base de données servant à établir des statistiques. L’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU), qui les traite pour le compte du comité de suivi régional, les récupère lorsqu’ils sont mis en open data. C’est-à-dire entre un mois et un mois et demi plus tard.
Ainsi, les données commentées le 19 janvier par la Région datent de novembre 2016, quand les analyses de la Ville trois jours plus tôt portent sur ceux de décembre. La Région se penche aussi sur des itinéraires de report tels que le périphérique ou l’A86, pour lesquels les données de circulation sont fournies à l’IAU par l’État et les départements. Quant aux temps de parcours, suivis à la fois par la Ville et par la Région, ils sont établis grâce aux données de GPS embarqués dans les véhicules.
Des méthodes de présentation qui entravent la comparaison
Abstraction faite du décalage dans la récupération des données, des contradictions subsistent entre les rapports présentés par les deux collectivités concernant un même mois. C’est qu’à partir des mêmes données, les deux collectivités ne calculent pas et, surtout, ne présentent pas les mêmes choses. En effet, l’IAU raisonne sur les seuls mardis et jeudis ouvrés, hors vacances scolaires, car ce sont les jours les moins susceptibles de subir de variations.
« C’est comme cela que nous pourrons vraiment comparer 2015 et 2016, repérer compteur par compteur les anomalies (telles que les manifestations, les camps de migrants, les pannes, etc.) susceptibles de biaiser les résultats, exclure les secteurs perturbés par des travaux tels que ceux du tramway, etc. », explique un expert.
Mais ce sont aussi les jours qui connaissent la circulation la plus dense, accuse la Ville, qui, pour sa part, raisonne sur cinq jours ouvrés.
Autre différence : les horaires pris en considération pour étudier le pic de circulation du soir varient également, l’IAU travaillant sur la tranche de 18 heures à 19 heures, quand la Ville prend en compte le créneau de 19 heures à 20 heures.
Surtout, quand la Région communique en pourcentage, la Ville présente des allongements du temps global de traversée de quelques minutes seulement et, surtout, en majorité inférieurs à ceux prévus par l’étude d’impact préalable. L’augmentation de 31% en novembre le matin sur le boulevard Saint-Germain correspond ainsi à un allongement de 3 minutes et demie.
La Région défend la qualité de l’air et s’oppose à la réduction de la circulation
Mais c’est avant tout sur la qualité de l’air que la Région concentre ses attaques. Un sujet sur lequel elle rappelle être chef de file et qu’elle affirme prendre « très à coeur », comme en témoigne la multiplication par 13 des moyens dédiés au plan air dans son budget 2017, dont 4 millions d’aides au remplacement des véhicules polluants pour les artisans et commerçants, et autant pour le remplacement des chaudières à bois.
« Il y a eu plus d’embouteillages en novembre 2016, ce qui produit par conséquent plus de pollution », s’alarmait ainsi le professeur Carli le 19 janvier, citant une augmentation de 53% pour le NOx et 49% pour les particules fines sur les quais hauts. « Cette dégradation constitue une tendance préoccupante. Contrairement à l’objectif affiché par la maire de Paris, la fermeture des voies sur berges n’a pas entraîné d’amélioration de la qualité de l’air », a-t-il conclu.
Ces chiffres proviennent des relevés de 13 capteurs implantés le long des quais hauts et du boulevard Saint-Germain, directement concernés par la fermeture, mais ne disent rien de la qualité générale de l’air dans la capitale.
L’impact des conditions météo
Airparif, qui a installé depuis novembre de nouveaux capteurs sur les voies et les quais hauts et en petite couronne, a prévu deux campagnes pour mesurer l’incidence de la fermeture des voies sur berges. La première a été menée de mi-novembre à mi-décembre et la seconde est prévue entre les mois de mai et de juin.
Dans une note du 16 janvier, on peut lire : « Les niveaux mensuels ne montrent aucune tendance claire imputable à la seule fermeture des voies sur berges. Ces variations constatées sur le réseau de stations permanentes d’Airparif traduisent l’effet imbriqué des émissions de polluants et de la météorologie. De ce fait, elles ne peuvent être interprétées directement et uniquement par rapport aux variations de trafic induites par la seule fermeture des voies sur berges. »
L’impact de la météo se traduit notamment par les pics de pollution de décembre, non imputables à la seule piétonisation, puisqu’ils touchaient toute l’Île-de-France mais aussi les régions de Lyon ou de Londres. Airparif insiste surtout sur le fait qu’il ne sera pas possible de tirer des enseignements valables avant les six mois d’observation prévus, et qu’il faudra tenir compte de la météo et de l’éventuelle évolution des comportements.
Le rapport complet de la première campagne comprenant l’interprétation de l’ensemble de ces résultats en lien avec ceux du trafic sera diffusé en mars 2017, correspondant en principe avec la fin de la période d’observation. Mais le rapport final de l’étude, intégrant la deuxième campagne de mesure en période estivale et la comparaison entre ces deux campagnes, ne sera, lui, disponible qu’en septembre.
Autant dire que le feuilleton n’est pas près de s’achever…
::: ECONOMIE
LE MONDE – 27/01/2017
Pierre Gattaz : « La mondialisation est la seule solution de croissance et d’emplois durables »
Tribune de Pierre GATTAZ, Président du MEDEF
Le protectionnisme de Donald Trump ne peut pas être transposé dans notre pays, le marché intérieur français ne pourrait pas soutenir notre économie. Il faut choisir l’international en misant sur nos atouts, selon le président du Medef.
Les déclarations antimondialisation de Donald Trump suscitent visiblement des interrogations ou des vocations de certains de nos politiques. La fermeture des frontières est-elle donc une stratégie économique possible ?
Il faut raison garder et constater tout d’abord qu’à ce stade, on est dans le discours, à la fois pour les menaces, mais aussi pour les promesses. Attendons de voir la réalité des faits. M. Trump l’a suffisamment démontré durant sa campagne : c’est un joueur de poker de génie. Et dans cette affaire, ce n’est pas forcément le seul…
Néanmoins, cette volonté affichée de repli américain à l’intérieur de ses frontières est, à plus d’un titre, inquiétante. En adoptant cette stratégie, les Etats-Unis choisiraient de s’exonérer des traités internationaux et de revenir à la loi du plus fort, certains que leur puissance les protégerait. Elle apparaît donc comme une aventure solitaire risquée même avec la maîtrise monétaire et un important marché intérieur.
Une telle stratégie provoquerait des réactions des autres pays et continents, Chine en tête. Si une telle aventure peut s’envisager pour le pays le plus fort économiquement au niveau mondial, transposée au niveau de la France, elle serait suicidaire : le seul marché français ne suffit pas à assurer un débouché à nos produits et services, et l’absence de liberté monétaire, même en imaginant sortir de l’euro, réduit fortement nos marges de manœuvre.
L’exemple de l’Allemagne montre bien que, pour un pays industriel de taille moyenne, la mondialisation est la seule solution de croissance et d’emplois durables.
Alors, que faut-il faire ? Contrairement à ce que pensent certains de nos politiques, la stratégie doit être de se tourner résolument vers la mondialisation en capitalisant sur nos atouts. Comment ?
En arrêtant de nous auto-dénigrer.
Je rentre du Mali, j’étais aux Etats-Unis tout début janvier, en Chine fin 2016… Partout, la France est admirée et respectée. Nos atouts sont considérables d’un point de vue économique. Cessons de penser que nous allons continuer à perdre en nous mondialisant. C’est faux et beaucoup d’entreprises françaises le prouvent et gagnent des marchés. Pas assez malheureusement.
En amenant plus d’entreprises à l’exportation.
C’est ce que je fais tous les mois, dans différents pays, en accompagnant des PME et des ETI à l’international. Mais notre volontarisme ne suffira pas à lui seul pour régler les problèmes structurels de notre pays. Voilà pourquoi les réformes doivent être menées. Vite et fort.
En ayant une vraie vision et déployer une stratégie internationale.
Les Etats-Unis resteront un marché important, mais les difficultés à prévoir doivent nous pousser à agir dans trois directions complémentaires de manière plus résolue :
Nous devons achever la construction européenne d’urgence. L’Europe, par la taille de son marché, peut être un vrai atout, mais cela nécessite évidemment d’achever rapidement une forme de convergence sociale et fiscale. Nous devons le faire d’abord au sein de la zone euro qui donne l’avantage d’une monnaie commune cohérente. Là encore agissons vite et fort.
Capitalisons aussi sur l’Afrique. Je ne le dirai jamais assez : l’Afrique est un continent pour les entreprises françaises. D’abord, parce qu’en maîtrisant deux langues (le français et l’anglais), on peut agir sur presque tout le continent. Ensuite, grâce à la diaspora africaine que nous avons en France : beaucoup de jeunes Français ont une double culture (française et du pays de leurs parents ou grands-parents). C’est un atout clé pour notre développement en Afrique.
Allons résolument sur ce continent en proposant un modèle de codéveloppement respectueux, en ayant une véritable approche gagnant-gagnant, humblement et respectueusement. Nous en tirerons tous bénéfice.
Enfin, tournons-nous vers l’Asie plus résolument. En France, la Chine fait peur, souvent par méconnaissance. Là encore, les opportunités sont faramineuses et les relations compliquées à prévoir avec les Etats-Unis offrent des opportunités à nos industriels. Profitons-en !
En cessant d’être naïfs.
La mondialisation est vertueuse si elle obéit à des règles. A cet égard, ceux qui ont dénoncé les accords de type TTIP ont rejeté des règles qui permettraient, si elles étaient bien négociées, d’encadrer notamment l’acteur dominant (les Etats-Unis) et d’ouvrir à nos PME d’immenses marchés. On peut critiquer le contenu de l’accord ou la méthode de négociation, mais rejeter l’idée même de ces traités, c’est accepter de laisser les Etats-Unis imposer leurs règles au reste du monde !
Alors que la France va être amenée à faire un choix important dans les mois qui viennent, je pense qu’il nous faut cesser de nous dénigrer et faire enfin le choix de la fierté, de la conquête et de l’enthousiasme.
Pierre Gattaz
LES ECHOS – 27/01/2017
Entreprises : un nouvel outil contre l’optimisation fiscale
La France a posé un « jalon important » dans la lutte contre l’évasion fiscale, selon les termes du secrétaire d’Etat chargé du Budget, Christian Eckert.
La France a ratifié l’accord de l’OCDE instaurant un échange automatique des données « pays par pays » des multinationales. Deux cents grands groupes français devront fournir ces informations au fisc.
La France a posé un « jalon important » dans la lutte contre l’évasion fiscale, selon les termes du secrétaire d’Etat chargé du Budget, Christian Eckert. Il s’exprimait face aux sénateurs qui ont ratifié, ce jeudi, l’accord international, signé par une cinquantaine d’Etats, permettant d’échanger de façon automatique des données stratégiques sur les multinationales. Chiffre d’affaires, bénéfices, impôts, actifs, capital social, nombre de salariés… Les entreprises de plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires devront transmettre l’ensemble de ces données à l’administration fiscale de leur pays, qui les échangera ensuite avec les Etats signataires de l’accord.
Lutte contre l’optimisation fiscale
Ce processus de reporting « pays par pays » constitue l’un des volets du plan de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre l’optimisation fiscale (« BEPS ») , adopté par le G20 fin 2015. Sa logique est comparable à celle de l’échange automatique sur les comptes bancaires, qui permettra dès 2018 à l’administration fiscale d’être informée sur les comptes à l’étranger de ses ressortissants.
Sans permettre au fisc de déclencher directement des contrôles, le reporting « pays par pays » lui apportera de précieuses informations pour vérifier que les « prix de transfert » correspondent bien à une réalité économique. Car les flux intragroupes constituent souvent un moyen pour les grandes entreprises de localiser leurs bénéfices dans les pays à faible fiscalité. « L’objectif global est de localiser les assiettes en cohérence avec le lieu où se produit la valeur ajoutée », expliquait Bruno Parent, le patron de l’administration fiscale, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.
200 grands groupes français concernés
Ce dispositif s’applique aux entreprises de plus de 750 millions de chiffre d’affaires, soit 10 % des entreprises représentant 90 % du chiffre d’affaires mondial. En France, ce sont près de 200 grands groupes qui sont concernés.
S’il renforce les moyens de l’administration fiscale, le reporting « pays par pays » n’est pas sans limite. Les sénateurs ont exprimé jeudi à plusieurs reprises leur inquiétude sur la position ambiguë des Etats-Unis, qui ont adopté ce reporting mais sans ratifier l’accord d’échange international (lire ci-dessous). Et le changement d’administration à Washington laisse planer des doutes sur l’application des mesures anti-optimisation validées au sein de l’OCDE. « On ne peut qu’espérer que, malgré l’évolution du contexte international, les engagements pris par chacun seront respectés », a déclaré Christian Eckert au Sénat. Dans le cas où les Etats-Unis ne transmettraient pas leurs données, le secrétaire d’Etat a évoqué l’existence d’un mécanisme alternatif : le fisc français pourrait obliger les filiales hexagonales des groupes américains à fournir leurs informations sur la France.
Confidentialité du reporting
Des questions se posent également sur la confidentialité de ce reporting. Que se passe-t-il si un Etat transmet à une entreprise nationale des données sur un concurrent étranger ? L’accord signé à l’OCDE prévoit que les renseignements obtenus soient tenus secrets. « Malgré ces strictes conditions, le risque d’une utilisation détournée ne peut être complètement écarté », alerte un rapport du Sénat. Sur ce point, Christian Eckert affirme que « la France suspendra ses échanges si la confidentialité n’est pas respectée ».
Quant à la perspective de rendre ce reporting public, comme le réclament les ONG et certains députés, elle s’éloigne. Votée dans la loi Sapin 2, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. « La France est favorable au reporting public dès lors qu’il sera la règle au sein de l’UE », a rappelé Christian Eckert.
Ingrid Feuerstein
LE PARISIEN – 27/01/2017
Contrats de travail : les CDD très courts explosent, avec moins de CDI à la clé
L’étude de France Stratégie, également présentée aux partenaires sociaux, relève que seul un CDD sur cinq (20%) se transforme en CDI, contre un sur quatre (24%) avant la crise de 2008.
Selon l’étude de l’Unédic – qui porte sur les années de 2000 à 2016 – les embauches en CDD d’un mois ou moins sont passées d’un peu plus de 1,5 million par trimestre à plus de 4 millions.
Le nombre d’embauches en CDD de moins d’un mois a plus que doublé en 15 ans et ces contrats débouchent de moins en moins sur un CDI, selon deux études de l’Unédic et de France Stratégie.
Selon l’étude de l’Unédic – qui porte sur les années de 2000 à 2016 – les embauches en CDD d’un mois ou moins sont passées d’un peu plus de 1,5 million par trimestre à plus de 4 millions, tandis que celles de plus d’un mois n’ont pas bougé (environ un million). Ce document a été présenté aux partenaires sociaux mercredi lors d’une réunion de diagnostic du marché du travail, préalable à une éventuelle reprise des négociations sur l’assurance chômage.
Malgré cette tendance au raccourcissement des CDD, la part globale de ces contrats dans l’emploi reste stable sur cette période, à 9%, alors que les CDI représentent 76% de l’emploi total.
Un CDD sur cinq se transforme en CDI
Arts et spectacles, édition et audiovisuel, activités pour la santé, hôtellerie-restauration, immobilier et enseignement privé notamment sont les secteurs qui ont eu, en 2012, le plus recours à des contrats de moins d’un mois, voire quelques jours.
L’étude de l’Unédic, qui gère l’assurance chômage, souligne aussi le «poids croissant» de la réembauche, 84% des CDD de moins d’un mois étant des réembauches par un ancien employeur, selon des données de 2012.
«Dans certains secteurs, certains employeurs s’entendent implicitement avec leurs salariés sur la possibilité d’embauches successives avec parfois des engagements d’exclusivité», observe l’Unédic, sans plus de précisions.
L’étude de France Stratégie, également présentée aux partenaires sociaux, relève que seul un CDD sur cinq (20%) se transforme en CDI, contre un sur quatre (24%) avant la crise de 2008. «Ces études confirment que les contrats courts sont au coeur du problème», a estimé Éric Courpotin (CFTC) après la réunion.
La surcotisation des contrats courts
Les négociations sur une nouvelle convention d’assurance chômage avaient échoué en juin 2016, après le refus du patronat de taxer les contrats courts. L’actuelle convention a été prolongée par l’État pour une durée indéterminée.
Syndicats et patronat ont repris langue en décembre pour faire un «diagnostic partagé» sur l’épineux dossier, en programmant une série de réunions jusqu’au 15 février, date à laquelle ils décideront de rouvrir ou non les négociations.
«Toutes ces études ne font pas avancer le « schmilblick ». On sent le même blocage qu’au printemps, les employeurs ne veulent pas discuter de leur choix dans le recours à la précarité car ils savent que ça aboutit forcément à la surcotisation des contrats courts», a commenté Denis Gravouil (CGT).
Olivier Boitet
LE FIGARO – 27/01/2017
Incroyable mais vrai, le nombre de plans sociaux a chuté en 2016
Le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi a baissé de 12% l’an passé. Lors de ses vœux à la presse, Myriam El Khomri a répondu aux critiques sur la loi travail qui, selon ses détracteurs, faciliterait les licenciements.
Myriam El Khomri avait réservé l’annonce pour ses vœux à la presse: entre 2015 et 2016, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) a diminué de 12%. «Qu’il n’y ait aucun malentendu, je ne veux absolument pas minimiser l’ampleur» des derniers plans de restructuration, comme celui du groupe Vivarte, «ni minimiser la souffrance de ces salariés», a tenu à préciser d’emblée la ministre. Chez Vivarte en effet, la direction a annoncé, lundi, le lancement de deux PSE, à la Halle aux Chaussures et dans sa filiale Vivarte Services.
Si ce recul des plans sociaux est la conséquence logique de la reprise économique, le sujet est sensible pour Myriam El Khomri. Une partie de la gauche reproche à la loi travail, qui porte son nom, de faciliter les plans sociaux. Benoît Hamon, finaliste à la primaire socialiste, avait ainsi, lors du premier débat public entre les candidats, expliqué que le plan social de la Voix du Nord n’aurait pas été possible sans la loi El Khomri. Une affirmation réfutée par la ministre elle-même. La direction du quotidien régional évoque en effet la sauvegarde de la compétitivité pour justifier son plan. Or ce motif était accepté par la jurisprudence de la Cour de cassation bien avant la loi El Khomri.
Pour les plans sociaux, la grande nouveauté date de 2013
Selon la ministre, «la loi travail ne facilite pas les licenciements». Le texte «explicite seulement, sur la base de la jurisprudence actuelle, dans quelles circonstances précises une entreprise a le droit de procéder à des licenciements économiques». «Elle leur donne un cadre clair et sécurisé sans rien retirer au pouvoir des juges», a-t-elle appuyé.
Myriam El Khomri a raison. Même si elle a fait couler beaucoup moins d’encre, la réforme la plus importante du quinquennat en matière de plans sociaux date de juin 2013 et de la loi sur la sécurisation de l’emploi. Le texte visait à simplifier les procédures des licenciements économiques de taille importante. Il s’applique aux entreprises de 50 salariés et plus qui souhaitent licencier pour motif économique au moins dix salariés sur une même période de 30 jours.
Deux modalités sont désormais prévues: soit l’employeur conclut un accord collectif majoritaire avec les représentants syndicaux, qui est soumis à validation par l’administration régionale, soit il prend une décision unilatérale, soumise dans ce cas à homologation de l’administration. Auparavant le chef d’entreprise devait seulement notifier le PSE auprès de l’administration. Pour les entreprises, ce cadre présente le grand avantage de limiter les contentieux. Elles se félicitent aussi d’avoir désormais à faire, en cas de recours, au juge administratif et non plus judiciaire. Enfin, la nouvelle procédure est également plus rapide.
En 2014, 728 PSE ont été mis en œuvre. 39 % de ces plans résultaient de la validation d’un accord entre l’entreprise et les organisations syndicales. Les services du ministère du travail publieront dans les prochaines semaines les données pour 2015 et 2016.
::: ENTREPRISES
LE MONDE – 27/01/2017
Autoroutes : un plan de relance à 800 millions d’euros
Après une première vague d’investissement décidée en avril 2015, ce deuxième plan devrait permettre la création de 5 000 emplois supplémentaires.
Derniers chantiers avant les élections. Durant son quinquennat, François Hollande aura choyé les autoroutes. Pas moins de deux plans de relance auront été mis en place en l’espace de deux ans : le premier de 3,2 milliards d’euros a été signé en avril 2015 et un nouveau programme d’investissements de 800 millions d’euros a été annoncé jeudi 26 janvier. Un montant légèrement inférieur au milliard espéré.
Cela permettra la création de 5 000 emplois qui s’ajouteront aux 8 000 à 10 000 prévus dans le cadre du premier chantier. Une ampleur jamais vue. A titre de comparaison, le paquet vert autoroutier réalisé en 2010 par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie, sous la présidence de Nicolas Sarkozy avait déjà été salué par son importance. Il prévoyait 1 milliard d’euros d’investissements pour améliorer les performances environnementales du réseau et 4 000 emplois.
32 échangeurs, 25 aires de covoiturages
Les deux plans de ce quinquennat diffèrent à la fois sur la nature des travaux et sur leur financement. Si le premier consistait principalement à aménager les grands axes existants en les élargissant, le second répond à des préoccupations locales.
Pour le secrétaire d’Etat chargé des transports, Alain Vidalies, ce programme prévoyant 32 échangeurs, 25 aires de covoiturages ainsi que des aménagements pour la protection du milieu naturel a « pour objectif de répondre à des attentes fortes des collectivités territoriales », explique-t-il, dans un communiqué. « Il vise à améliorer la desserte des territoires et à créer de l’activité en investissant dans l’amélioration de la qualité des infrastructures. »
En conséquence, le financement sera réparti entre les collectivités locales et les automobilistes. Les premières contribueront pour « plus de 50 % en moyenne pour les opérations routières d’intérêt local. Le complément proviendra d’une faible augmentation des péages, limitée de 0,1 % à 0,4 % par an de 2019 à 2021 », a précisé le secrétaire d’Etat. Rien à voir avec le plan de relance de 2015. En contrepartie de la prise en charge des 3,2 milliards d’investissement, les sociétés privées d’autoroutes ont obtenu un rallongement de deux ans et demi en moyenne de la durée des concessions.
Vinci sera le plus grand bénéficiaire
Dans les deux cas Vinci qui exploite 52 % du réseau autoroutier français est le plus grand bénéficiaire. Sur les 3,2 milliards d’euros du plan de 2015, il contribuait pour plus de 2 milliards, le reste étant réparti entre deux autres groupes Eiffage avec APRR et AREA, et Sanef contrôlé par l’espagnol Abertis.
Cette fois, sur les 800 millions d’euros du programme, Vinci fera un peu plus de la moitié des chantiers, Eiffage et Abertis, engageront des travaux estimés respectivement à 220 millions et 147 millions. Toutefois les protocoles d’accord entre l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes doivent encore être examinés par le régulateur du rail et de la route, l’Arafer. « Toutes ces étapes permettront d’engager les premiers travaux dès la fin de l’année 2017 », espère M. Vidalies.
La rapidité avec laquelle le deuxième programme a été entériné tranche aussi avec le précédent. Si le premier plan avait abouti trois ans après son annonce en 2012 – sur fond d’une vive polémique concernant le niveau élevé des péages – le nouveau, annoncé en juillet 2016 par François Hollande, a mis à peine six mois pour se conclure.
LA TRIBUNE – 27/01/2017
Rapprochement DCNS/Fincantieri : c’est non pour le moment
Le patron de DCNS Hervé Guillou a été autorisé à poursuivre l’examen du dossier Magellan, le dossier de rapprochement entre son groupe et Fincantieri
Ces dernières semaines, le PDG de DCNS Hervé Guillou proposait à ses actionnaires à l’occasion de la future prise de contrôle de STX par Fincantieri, d’aller un cran plus loin. Et plus précisément, il voulait profiter de cette fenêtre pour lancer une prise de participations croisées entre son groupe et Fincantieri.
C’est l’un des rêves d’Hervé Guillou. Depuis son arrivée à la barre de DCNS, le PDG du groupe naval travaille à une consolidation européenne. Ces dernières semaines, il proposait à ses actionnaires à l’occasion de la future prise de contrôle de STX par Fincantieri, d’aller un cran plus loin. Et plus précisément, il voulait profiter de cette fenêtre pour lancer une prise de participations croisées entre son groupe et Fincantieri, un dossier qui a pour nom de code Magellan. C’est non, lui a récemment signifié l’État, selon des sources concordantes. Une nouvelle déception pour celui qui a la foi du charbonnier concernant l’Europe et la consolidation du secteur. Interrogé par La Tribune, DCNS n’a pas souhaité faire de commentaires.
« Je ne peux faire aucune prévision concernant une éventuelle consolidation ou m’engager sur un calendrier mais je m’engage à être prêt si un tel moment se présente », avait-il expliqué en février 2015.
A l’été 2015, Hervé Guillou s’était déjà heurté à un refus. DCNS et Fincantieri étaient pourtant en train de négocier un rapprochement à parité dans les bâtiments de surface. Les deux groupes navals, qui ont développé en commun le programme de frégates multimissions (FREMM), avaient alors secrètement signé un « Head of Agreement » (HoA), un document non engageant pour encadrer leurs négociations après des discussions entamées depuis la fin 2014.
DCNS autorisé à poursuivre l’examen du dossier Magellan
Pour des questions pratiques notamment, l’État veut dissocier les deux dossiers : celui de STX, où DCNS devrait entrer dans le capital pour accompagner l’État, et Magellan. C’est d’ailleurs pour cela que la porte reste ouverte pour un rapprochement entre DCNS et Fincantieri. Tout n’est donc pas perdu pour Hervé Guillou mais la porte n’est qu’entrouverte. Dans ce cadre, DCNS a été autorisé à poursuivre l’examen du dossier Magellan par l’État sans préjuger de sa réponse définitive. Car ce dernier s’interroge encore sur la nécessité d’une telle opération, surtout à quelques mois de l’élection présidentielle. « L’État n’est pas convaincu mais reste ouvert », explique-t-on à La Tribune. A Hervé Guillou de transmettre sa foi de charbonnier …
Le morcellement de l’industrie navale militaire européenne se résorbe peu à peu grâce à une consolidation au niveau national autour de grands maîtres d’œuvre dans six pays avec BAE Systems (Royaume-Uni), DCNS (France), Fincantieri (Italie), ThyssenKrupp Marine (Allemagne), Navantia (Espagne) et Damen (Pays-Bas). Des groupes, qui se retrouvent en concurrence frontale pour les marchés à l’export comme DCNS et Fincantieri au Qatar, où les Italiens ont gagné en juin dernier. Pour autant, selon des sources concordantes, les négociations entre les Italiens et Doha seraient actuellement très, très difficiles sur plusieurs points : le prix, le financement, la formation et les spécifications techniques. Bref, un contrat en bonne et due forme est loin d’être signé …
LES ECHOS – 27/01/2017
Le e-commerce s’enracine dans le quotidien des Français
Le commerce en ligne a dépassé la barre des 70 milliards de chiffre d’affaires en 2016. Il ne représente que 8 % du commerce de détail mais la fréquence d’achat augmente sensiblement.
Tous les indicateurs montrent qu’acheter sur la Toile devient un geste familier pour les Français. C’est le principal enseignement du bilan 2016 et des prévisions 2017 qu’a établis ce jeudi la Fevad, la fédération professionnelle du secteur.
Noël a été de nouveau un pic pour les Amazon et autres Cdiscount. Pour les fêtes de fin d’année, les ventes ont atteint les 14 milliards d’euros, en hausse de 15 %. De ce fait, l’année se termine pour le secteur par une nouvelle croissance à deux chiffres, de 14,6 %, la barre des 70 milliards de chiffre d’affaires étant dépassée (72 milliards précisément). Et les projections pour 2018 tablent sur le franchissement de la marche des 80 milliards, à 81,7 milliards.
Le coût de la livraison n’apparaît plus comme un frein
Cela représenterait une hausse de 13 %, moins forte que les années précédentes, qui traduit une forme de banalisation de l’acte d’achat sur la Toile. De fait, les e-acheteurs réalisent désormais en moyenne 28 transactions par an, contre 23 en 2015. Selon une enquête CSA, 58 % des acheteurs en ligne achètent sur le Web au moins une fois par mois. Quelques 19 % des sondés comptent acheter encore plus en ligne en 2017, et notamment 26 % des 25-34 ans. Conséquence logique, le montant moyen d’une transaction diminue, lui, de 7 %, et passe à 70 euros. On était à 91 euros en 2008.
Parmi les éléments qui encouragent les achats en ligne, le fait que la livraison, et son coût, apparaisse de moins en moins comme un obstacle, grâce à la multiplication des abonnements annuels, du type Amazon Premium ou FNAC +. « Ces offres désinhibent les achats en ligne, notamment sur les petits montants », a déclaré à Reuters Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Selon Médiamétrie, la France compte désormais 37 millions de cyberacheteurs.
Amazon, site le plus visité de France
Avec 16 millions de visiteurs uniques par mois, Amazon reste le site le plus fréquenté en France. devant Cdiscount (12 millions) et la FNAC (10 millions).
Autre indice de la banalisation, l’utilisation du smartphone pour commander, notamment par les jeunes. Les ventes sur smartphones et tablettes ont crû de 30 % en 2016 et ont représenté à Noël 28 % des achats.
La banalisation du e-commerce touche particulièrement l’habillement. Plus de la moitié des cyberacheteurs, selon CSA, ont acheté de la mode en 2016. Suivent les produits culturels (49 %), les chaussures (39 %) et les produits techniques (39 %).
Les achats de produits de beauté se multiplient
Phénomène plus nouveau mais qui s’ancre lui aussi dans les habitudes : 37 % des acheteurs en ligne achètent des produits de beauté et de santé. Ainsi, de façon contre-intuitive, les Français vont d’abord sur la Toile pour trouver des produits qui touchent à leur apparence (habillement, produits de beauté). L’absence de cabine d’essayage ne semble pas les affecter, loin de là.
L’enquête CSA indique également que 30 % des consommateurs qui achètent en ligne ont déjà commandé un repas sur Internet et que 13 % le font une fois par mois. Le succès des Foodora, Just Eat et autres Deliveroo ne se dément pas.
Les magasins traditionnels résistent
Toutefois, les chiffres ne condamnent pas les magasins traditionnels. D’abord, le budget moyen consacré par les consommateurs français sur Internet est de 2.000 euros par an. Et le e-commerce ne représente toujours que 8 % de l’ensemble du commerce de détail. Par ailleurs, la livraison en magasin progresse (+5 % en 2016, à 36 %) et un autre comportement commence à être quantifié par les experts : la réservation en ligne. Près d’un tiers des cyberacheteurs indiquent ainsi être allés sur les sites marchands juste pour réserver un produit qu’ils sont ensuite allés chercher dans une boutique.
LE MONDE – 27/01/2017
Arthur Sadoun remplace Maurice Lévy à la tête de Publicis
- Sadoun, 45 ans, est actuellement directeur général de la division Publicis Communications, qui réunit l’ensemble des réseaux créatifs du groupe.
Le patron de Publicis, Maurice Lévy, sera remplacé par Arthur Sadoun à la présidence du directoire à partir du 1er juin, a annoncé jeudi 26 janvier le groupe dans un communiqué. M. Sadoun, 45 ans, est actuellement directeur général de la division Publicis Communications, qui réunit l’ensemble des réseaux créatifs du groupe.
La philosophe féministe Elisabeth Badinter, principale actionnaire du groupe et fille de son fondateur, Marcel Bleustein-Blanchet, a dit « avoir toute confiance dans cette équipe pour mener à bien les tâches qui l’attendent ». De son côté, M. Levy, qui avait pris la tête du groupe en 1987, s’est « réjoui de ce choix qui me paraît le plus juste et le plus judicieux pour notre groupe et son avenir », selon le communiqué publié par Publicis. Il prendra la tête du conseil de surveillance, à la place de Mme Badinter, à compter du 1er juin, si cette nomination est validée par l’assemblée générale des actionnaires qui se tiendra le 31 mai.
Bénéfice de 901 millions d’euros
Sous l’impulsion de M. Levy, Publicis va connaître un coup d’accélérateur à l’international, avec des prises de participation dans le monde, qui en ont fait le troisième groupe mondial de communication et de publicité. Le géant français a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 9,6 milliards d’euros, qui lui a permis de dégager un bénéfice net de 901 millions d’euros.
Dans son communiqué, Publicis a également annoncé l’arrivée de Steve King, actuellement à la tête de Publicis Media, au sein du directoire.
LE FIGARO – 27/01/2017
Les start-up françaises attirent de plus en plus de financements
2016 est une année record avec plus de 2 milliards d’euros de levées de fonds.
Changement de décor pour le capital-risque français. Après une période compliquée, au cours de laquelle les jeunes entreprises peinaient à trouver des financements, les robinets coulent désormais à flots. L’année dernière, les seules entreprises technologiques françaises ont levé 2 milliards d’euros, quasiment deux fois plus qu’en 2015. Ce dynamisme permet à la France de doubler l’Allemagne et de se placer juste derrière le Royaume-Uni, avec 486 opérations de financement réalisées au cours des douze derniers mois (contre 909 pour les Anglais), selon une étude réalisée par CB Insights et la French Tech.
Redevenu très actif, le financement des jeunes pousses n’est cependant pas encore optimal. Les fonds apportés concernent à 65 % des opérations d’amorçage ou de premier rang (série A), pour des montants généralement compris entre quelques centaines de milliers d’euros et 5 à 7 millions. S’ils correspondent aux besoins des entreprises – les start-up foisonnent et de nouveaux projets continuent d’émerger quotidiennement -, ils marquent aussi la difficulté des Français à lever des fonds plus importants.
231 transactions recensées
Autre caractéristique: Paris concentre la plus grande partie des financements, avec 231 transactions recensées qui ont drainé un peu plus d’un milliard d’euros. En région, le soutien de la French Tech est encore balbutiant. Montpellier arrive ainsi en deuxième position, avec seulement onze opérations. «L’émergence de “bâtiments totems”» aussi symboliques que Station F à Paris, commence aussi en région, ce qui témoigne du dynamisme des territoires», veut cependant croire Antoine Darodes, directeur de l’Agence du numérique. Lille, pour ne citer qu’elle, a ainsi son paquebot, avec EuraTechnologies, qui a hébergé une centaine de start-up en phase d’incubation en 2016.
Le financement reste dominé par les acteurs français. Bpifrance tient son rang de locomotive du financement de l’innovation en nombre d’opérations réalisées, tandis que Kima Ventures arrive en deuxième position. Le fonds, créé par Xavier Niel, investit dans deux à trois start-up par semaine, en France et à l’étranger. «Niel, c’est la France», avait d’ailleurs lâché Michel Sapin, ministre de l’Économie, au détour d’une conversation au CES.
Les fonds étrangers et plus particulièrement américains commencent tout juste à manifester leur intérêt pour l’écosystème français. Ils sont un complément indispensable aux acteurs nationaux pour accompagner les entreprises dans leur croissance, sous peine de les voir rachetées par des grands groupes étrangers, comme l’illustrent les opérations bouclées l’année dernière. Les cinq principales acquisitions de start-up françaises ont en effet été réalisées par des groupes étrangers, à l’image du rachat de l’éditeur de logiciels Enablon par Wolters Kluwer pour 250 millions d’euros. Il s’agit de la plus grosse transaction de l’année, suivie par le rachat de Withings par Nokia pour 170 millions d’euros.
Les opérations de financement de grande ampleur se comptent encore sur les doigts des deux mains. Le record de 2016 revient au leader européen des centres de stockage de données OVH, avec 250 millions d’euros, suivi de Sigfox, qui a engrangé 150 millions pour le déploiement de son réseau télécoms dédié à l’Internet des objets. La levée de fonds de 100 millions d’euros bouclée par le fabricant français d’enceintes connectées Devialet est remarquable à plus d’un titre. Il est le seul acteur de l’électronique grand public à avoir bouclé un financement de plus de 20 millions d’euros, sur les 18 opérations de cette taille recensées par CB Insights. Devialet a aussi attiré des investisseurs étrangers prestigieux, comme Foxconn – le géant chinois de la sous-traitance connu pour produire les iPhone d’Apple – ou Sharp.
2017 pourrait être une année de d’amplification. Tous les indicateurs sont au vert pour espérer une nouvelle augmentation des financements privés, marquée par une participation plus importante des fonds étrangers. Pour que la tendance continue, les créateurs de start-up français expriment les mêmes souhaits que la plupart des entrepreneurs, appelant à plus de stabilité fiscale et, plus largement, à un environnement plus favorable aux entreprises. À ce titre, ils ont les yeux rivés sur les programmes des candidats à la présidentielle.
::: POLITIQUE
LE PARISIEN – 27/01/2017
Primaire à gauche : Hamon-Valls, leurs derniers arguments
LE FAIT DU JOUR. Par entretiens croisés, Benoît Hamon et Manuel Valls se livrent dans notre journal à un ultime face-à-face. Dimanche, l’un d’eux sera le candidat du Parti socialiste à la présidentielle.
Benoît Hamon et Manuel Valls ont au moins une chose en commun : c’est la cuisine de maman qu’ils préfèrent. Mais ce n’est pas uniquement ce que l’on apprend dans ces deux interviews des rivaux, réalisées hier, au même moment dans leurs QG respectifs. On y découvre que l’ancien ministre de l’Education a pris plaisir à cette campagne qu’il estime réussie, tandis que l’ex-Premier ministre déplore pour sa part — comme pour conjurer le sort ? — sa brièveté.
De fait, au 11e étage de la tour Montparnasse, dans les bureaux spartiates de Benoît Hamon, aux allures de local étudiant, l’ambiance est à l’optimisme jovial. Hamon aime à raconter que c’est dans cette tour que François Mitterrand avait, lui aussi, installé son siège de campagne présidentielle en 1974 ; « Et, comme lui, j’ai tenu mon dernier meeting d’avant-premier tour à Toulouse et j’achèverai ma campagne ce soir à Lille », ajoute celui qui s’inscrit dans les pas du premier président socialiste de la Ve République.
Quant à Manuel Valls, inhabituellement serein et détendu dans ses locaux du XIIIe arrondissement, à deux pas de la bibliothèque François-Mitterrand, il espère une participation supérieure dimanche, dépassant cette fois la barre des 2 millions. Aujourd’hui, avant la fin officielle de la campagne, ce soir à minuit, tous deux arpenteront le terrain, jetant dans la bataille leurs dernières forces.
BENOÎT HAMON : « J’aurais aimé plus de participation »
Qu’avez-vous pensé de cette campagne d’entre-deux-tours ?
BENOîT HAMON. On a eu un débat télévisé de bonne qualité. Manuel Valls et moi-même avons eu le souci de développer nos projets sur des contenus plutôt que sur des caractérisations négatives… Même s’il a été sur le terrain de « il vend du rêve ». Et son entourage a démarré sur un terrain extrêmement agressif et blessant (NDLR : les accusations de « candidat des Frères musulmans » portées par des proches de Valls). Cela distille un poison. Et si Manuel pensait cela de moi, il ne m’aurait pas nommé ministre de l’Education nationale ! Ce qui m’a blessé, ce n’est pas que l’extrême droite m’appelle Bilal Hamon — et d’ailleurs, c’est joli comme prénom, Bilal —, c’est de voir que cette campagne déborde au point que l’on reprenne des arguments de Florian Philippot (NDLR : vice-président du FN) ! Ce n’est pas sous mon gouvernement qu’on a décoré le prince saoudien qui est l’héritier de la dynastie wahhabite, c’est-à-dire de ceux qui financent les mosquées les plus radicales en France.
Avez-vous eu des échanges entre vos deux équipes pour calmer le jeu ?
Il y a eu un contact off, pas à ma demande. Le problème, c’est qu’après il faudra rassembler. Si on commence à expliquer qu’il y a des gens parmi nous qui frayent avec l’islam radical et d’autres qui sont de dangereux anticléricaux… Il faut qu’on fasse cause commune. J’ai demandé à mes équipes de fixer nos lignes jaunes, de s’interdire tout propos désobligeant.
Est-ce qu’il y a des choses que vous feriez différemment dans cette campagne ?
Qu’est-ce que je changerais ? Je prendrais peut-être quelque chose pour dormir. Et puis il y a eu un débat de trop avant le premier tour. J’en ferais peut-être un spécialement avec des journalistes européens.
Si, dimanche, vous êtes élu, changerez-vous les choses au parti ?
Je ferai les gestes nécessaires à l’égard de toutes les familles du PS. Et, au-delà, de toute la gauche. En même temps, pour marcher, une campagne ne peut pas être prisonnière d’un appareil. Elle doit pouvoir s’épanouir, s’ébrouer. Mon premier réflexe ne serait pas de dire que j’ai gagné le congrès du PS. Je ne suis pas là pour prononcer des excommunications : j’en parlerais avec Jean-Christophe Cambadélis.
Êtes-vous satisfait de cette primaire ?
J’aurais aimé qu’il y ait plus de participation. J’espère que ce sera le cas au second tour.
Quel est le seuil d’une bonne participation ?
J’espère qu’on va approcher 2 millions.
François Hollande ne votera pas au second tour. Auriez-vous souhaité qu’il s’investisse plus dans la primaire ?
Il est le président, il s’est retiré, je trouve logique et normal qu’il ne vote pas. C’est plutôt le contraire qui eût été curieux.
N’y a-t-il pas un côté après moi le déluge ?
C’est la Ve République. Les institutions vous enferment et vous hissent à des niveaux de puissance et d’impunité. Les contre-pouvoirs sont quasi inexistants. Cela tend à vous extraire du monde tel qu’il est.
Qu’est-ce qui vous distingue, Manuel Valls et vous ?
Sans vouloir être blessant, les solutions que met sur la table Manuel Valls ont toutes été pour partie déjà expérimentées. Cette politique se rattache davantage à la page qui est en train de se tourner.
Quel est son point faible ?
Il est difficile pour lui de donner l’impression que le candidat Valls est en désaccord avec le Premier ministre Valls. Parfois, à l’écouter, on se dit qu’il aurait voté contre certaines de ses propositions…
Si vous étiez élu, quelle serait votre première mesure ?
J’interdirais les produits toxiques et les perturbateurs endocriniens. J’ouvrirais immédiatement le chantier d’une nouvelle loi Travail. Je proposerais trois référendums : l’un sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, l’autre sur le vote blanc et, enfin, sur le 49-3 citoyen.
En cas de défaite, ferez-vous campagne pour le vainqueur ?
On ne peut pas dire le contraire de ce que l’on a défendu ! Donc on se met en retrait…
L’affaire Penelope Fillon est-elle le signe qu’en politique l’exemplarité est décidément impossible ?
Nous avons en chacun de nous une humanité imparfaite. Mais sur le plan de la probité, je revendique qu’il faut un personnel politique honnête. Si son épouse n’a pas travaillé, et pour un salaire de 7 900 € par mois, c’est choquant.
MANUEL VALLS : « Je n’ai pas de regrets »
Que pensez-vous de cette campagne ?
Manuel Valls. C’est une campagne intense, courte. Trop courte, sans doute. Mais passionnante. Au fond, elle a véritablement pris son envol au soir du premier tour. Sept candidats, sept personnalités, sept projets… La première partie était assez confuse. Le second tour a la vertu de proposer deux orientations pour la gauche et pour la France.
Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment ?
Le temps du bilan n’est pas venu, mais je n’ai pas de regrets.
Même d’avoir proposé la suppression du 49-3 ?
Non. J’ai quitté Matignon pour m’engager dans la campagne présidentielle. A ce moment-là, le regard des Français sur moi a changé. Le seul regret que je peux avoir, c’est de ne pas avoir eu assez de temps pour ce passage entre le statut de chef du gouvernement et celui de candidat à la présidence de la République.
Auriez-vous préféré que François Hollande s’investisse davantage ?
Non. Je suis candidat à la présidence de la République, donc ma préoccupation essentielle, c’est le rapport avec les Français. Les soutiens sont importants, évidemment, mais ça n’est pas l’essentiel.
Tout de même, n’auriez-vous pas souhaité que les membres du gouvernement vous soutiennent plus ?
Mais beaucoup se sont investis !
Cela ne s’est pas beaucoup vu…
Je ne suis pas d’accord. Je suis celui qui a reçu le plus de soutiens, notamment de Jean-Yves Le Drian, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Jacques Urvoas, de l’écologiste Emmanuelle Cosse. Mais, encore une fois, l’essentiel, c’est le vote massif des électeurs. J’appelle ceux qui veulent que la gauche réformiste, républicaine et laïque gagne à venir voter dimanche.
Jugez-vous d’ores et déjà que cette primaire est un succès ?
Non. Pas encore ! J’avais défini les conditions d’un succès : un choix clair — c’est possible dimanche —, des débats de qualité — c’était le cas mercredi soir. Mais la première condition que j’avais posée était la participation. Il faut saluer ceux qui sont venus voter au premier tour. 1,6 million d’électeurs, c’est beaucoup plus que l’ensemble des militants du PS et des formations qui participent à la primaire. Mais c’est en deçà de nos espérances. J’attends du second tour qu’il y ait une participation plus importante pour faire un choix clair.
Combien faudrait-il d’électeurs au second tour pour que cela soit un succès ?
Pour que la primaire gagne en force, il faut plusieurs centaines de milliers d’électeurs supplémentaires par rapport au premier tour.
Qu’ils soient au moins 2 millions ?
Oui, au moins.
Qu’est-ce qui vous distingue de Benoît Hamon ?
La crédibilité.
Quel est son principal point de faiblesse ?
La crédibilité.
En cas de défaite, soutiendrez-vous Benoît Hamon ?
Quand on est engagé dans un combat, c’est pour le gagner. Je veux gagner.
On vous imagine mal faire campagne pour le revenu universel d’existence…
C’est bien là le problème… Moi, j’ai toujours dit que je respectais les règles de la primaire, mais nous sommes face à un choix historique. Nous avons toujours eu des débats à gauche. Mais ce que nous n’avons pas tranché ces quinze dernières années a pesé sur le quinquennat. Je ne veux pas que cela se reproduise demain. Il faut que les Français tranchent. Pour le reste, rendez-vous lundi matin.
Si vous êtes élu, quelle sera votre première mesure ?
Je réunirai les chefs d’Etat européens pour bâtir une Europe de la défense. C’est vital face aux défis de notre monde. L’Europe se meurt de ne pas avoir de projet politique. Cette Europe de la défense, c’est la première étape vers une refondation de l’Europe autour de trois priorités : la sécurité, la croissance, la défense de nos choix collectifs contre le dumping environnemental et social.
Beaucoup se demandent, après le soupçon d’emplois fictifs concernant l’épouse de François Fillon, si l’exemplarité en politique n’est pas impossible…
Quand on veut accéder aux responsabilités publiques ou quand on les exerce, il ne faut pas prêter le flanc à des soupçons. Quand, en plus, on fait campagne sur l’exemplarité, la transparence et l’honnêteté, il faut être encore davantage à la hauteur de ses propres exigences. Donc, à chaque fois qu’il y a un soupçon, il faut que la justice puisse agir rapidement pour que la vérité soit établie. Tout le paradoxe, c’est que, alors que l’on a durci les règles de transparence et les sanctions, cela profite aux populistes et à l’extrême droite qui est elle-même poursuivie par la justice dans bien des affaires !
Propos recueillis par Ava Djamshidi et Henri Vernet, Philippe Martinat et Pauline Théveniaud
L’OPINION – 27/01/2017
Comment Benoît Hamon a braqué la primaire de la gauche
Revenu universel, fin du travail, écologie… Le concurrent de Manuel Valls a dépoussiéré de vieilles idées, avec une stratégie précise : cibler des catégories de population favorables à la gauche bien au-delà du PS
Quelque 5,5 millions de téléspectateurs ont suivi mercredi soir le débat entre Benoît Hamon et Manuel Valls, soit 3 millions de moins que le débat opposant fin novembre Alain Juppé et François Fillon. Les deux finalistes étaient en meeting jeudi soir, l’un à Montreuil (Seine-Saint-Denis), l’autre à Alfortville (Val-de-Marne). Le second tour de la primaire de la gauche se déroulera dimanche.
Comment Benoît Hamon a-t-il réussi à s’imposer dans la primaire de la gauche ? Comment l’éternel apparatchik du PS, engagé en politique depuis trente ans, qui a signé à peu près toutes les synthèses hollandaises, qui fut ministre durant la première moitié du quinquennat, fit voter la loi qui ouvre à la concurrence le secteur des lunettes, qui fut le coartisan de l’accession de Manuel Valls au poste de Premier ministre, et le ministre de l’Education nationale le plus éphémère et inopérant que la gauche ait donné au pays, a-t-il réussi à incarner un « futur désirable » aux yeux d’une partie de la gauche ?
Le tour de force fera sans doute l’objet d’études approfondies dans les instituts de science politique. En attendant, un premier constat s’impose : le candidat Hamon a été porté en tête du classement au premier tour par une vague qui déborde largement… sur la gauche du Parti socialiste. « Benoît Hamon fait un score honorable dans l’électorat socialiste, mais c’est dans l’électorat du Front de gauche et écologiste qu’il fait la différence avec Manuel Valls », souligne Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès. Une étude de l’institut Elabe a montré que 59 % de la gauche hors PS a voté Hamon, tandis que 43 % des électeurs se déclarant proches du PS ont voté Valls. « Dans mes bureaux de vote, j’ai vu beaucoup de militants de la CGT et du Parti de Gauche », témoigne un député PS du Sud-Ouest. En Grande-Bretagne, le même phénomène a porté Jeremy Corbyn à la tête du Labour en 2015.
« Ce qui a été l’un des mots d’ordre de Nicolas Sarkozy dans la primaire de la droite, “On ne va pas se laisser voler notre primaire”, est en train de se passer dans la primaire de la gauche, souligne Gilles Finchelstein. Le PS pourrait dire qu’il se fait voler sa primaire par la gauche radicale et écologiste, qui est venue sanctionner le gouvernement. »
Parole politique pure. Reste que ce vote-sanction aurait pu bénéficier à Arnaud Montebourg, très critique lui aussi à l’égard de la politique du gouvernement. S’il n’en a rien été, c’est que Benoît Hamon a réussi à installer le débat autour de ses propositions. « Il a réussi à donner une impression de sincérité, de compétence et de cohérence », observe Gilles Finchelstein. « C’est le seul qui a eu une parole politique pure, sur le thème “Si on veut, on peut” », estime Dominique Reynié, professeur à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique. Un petit air du « Yes, we can » de Barack Obama !
Mettant en application – sans l’assumer – la stratégie électorale préconisée dans un rapport du think tank Terra Nova (proche du PS) en 2011 (qui avait fait polémique à l’époque), Benoît Hamon s’est aussi adressé à des catégories de population très ciblées, à des « niches » a priori favorables à la gauche : les jeunes, les précaires, les urbains, les femmes, les Français issus de l’immigration.
Les jeunes et les précaires ont été séduits par l’idée du revenu universel. « Les étudiants pourraient faire leurs études dans de meilleures conditions, sans travailler à côté, les autres pourraient éviter de prendre des bullshit jobs », explique Antoine Stéphany, en quatrième année à Sciences Po, coordinateur formation au Mouvement français pour un revenu de base. Le terme a été conceptualisé par David Graeber, anthropologue à la London School of Economics, venu à la rencontre des militants de Nuit Debout à Paris après avoir été l’un des piliers du mouvement Occupy Wall Street. « Ce qui est drôle, c’est que ce débat sur la fin du travail, on l’a eu au PS il y a vingt ans, au PSU, s’amuse un proche d’Arnaud Montebourg. Son talent, c’est d’avoir remis au goût du jour de vieilles idées, en les faisant passer pour des idées neuves… »
Culture commune. La récente conversion de Benoît Hamon à l’écologie a plu à l’électorat « bobo » des centres-villes, comme le démontre son score de plus de 40 % à Paris, mais pas seulement. « Benoît Hamon a réussi à créer une culture commune en comprenant que la question sociale était indissociable de la question écologique, analyse Lucile Schmidt, présidente de la Fondation de l’Ecologie politique, auteur du livre La France résiste-t-elle à l’Ecologie ?. Pour cela, il a parlé de sujets concrets, « concernants », comme la pollution ou les perturbateurs endocriniens. « Il a aussi évoqué les inégalités environnementales qui renforcent souvent les inégalités sociales », souligne Lucile Schmidt. Cela permet de toucher un large public, pas forcément « bobo ». Ceux qui sont le plus soumis aux pollutions ou aux nuisances sonores sont ceux dont le logement insalubre, éloigné des services publics, est situé près des axes routiers ou d’établissements industriels. Les agriculteurs sont aussi victimes de maladies professionnelles liées notamment aux pesticides.
Sa fibre écologique a été alimentée par la lecture d’Albert Camus, dont il a aimé l’ode à la nature et à la beauté de la Méditerranée, dans le recueil de nouvelles Noces, et L’Exil d’Hélène, «un texte très politique où il dénonce l’humanité qui prétend soumettre la nature», expliquait le candidat au site Reporterre. Il a aussi lu François Jullien, qui a écrit Les Transformations silencieuses. Livre dans lequel l’auteur évoque un handicap de la pensée occidentale, son incapacité à penser les transitions. Et un autre philosophe, André Gorz, théoricien de la décroissance.
Enfin, son plaidoyer en faveur de la reconnaissance de la Palestine, et sa conception souple de la laïcité, lui ont rapporté de meilleurs scores encore en Seine-Saint-Denis qu’à Paris (42,5 % des voix).
Ces positions qui charment la gauche altermondialiste passeront-elles la rampe du débat présidentiel ? Benoît Hamon s’est comparé lui-même à François Fillon : méprisé par les médias et les sondeurs en début de campagne, il s’est imposé dans la primaire par ses idées, qui parlent à la gauche la plus radicale là où les positions de François Fillon parlent à la droite la plus conservatrice. Il risque du coup, s’il est élu dimanche prochain, de connaître lui aussi, comme François Fillon, une entrée compliquée dans l’atmosphère, et de subir un problème d’adéquation de son projet aux aspirations, craintes et désirs de l’ensemble des Français.
Irène Inchauspé et Nathalie Segaunes
LE MONDE – 27/01/2017
La campagne de François Fillon déstabilisée par les accusations visant sa femme
Cacophonie des porte-parole, ironie d’Alain Juppé, silence des élus LR et grogne des sarkozystes : le candidat de la droite voit la relance de sa campagne entravée.
François Fillon avait prévu de mettre en scène ses retrouvailles avec Alain Juppé à Bordeaux. Quelques belles images devaient asseoir, mercredi 25 janvier, le rassemblement de la droite autour de sa candidature.
Mais lorsque, vers 10 heures, le candidat de la droite à la présidentielle descend de sa voiture pour saluer le maire de la ville, devant l’entreprise Thalès, il affiche la mine des mauvais jours. « Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte », lance-t-il, visage fermé, tandis que la presse l’assaille sur la réalité de l’emploi de sa femme, Penelope, comme assistante parlementaire et « conseillère littéraire » de La Revue des deux mondes.
« Parce que c’est mon épouse, elle n’aurait pas le droit de travailler ? », s’indigne-t-il, se disant « scandalisé par le mépris et la misogynie » du Canard enchaîné, qui a révélé l’affaire. M. Fillon enchaîne sur la visite de l’entreprise Thalès, essayant même des casques de l’armée d’un air le plus détaché possible.
Rien n’y fait. Dans le cortège qui le suit, élus, collaborateurs et journalistes n’ont qu’une question en tête : sa femme, qui a perçu 500 000 euros, a-t-elle réellement travaillé à l’Assemblée nationale ? François Fillon et Alain Juppé, eux-mêmes, semblent incapables d’éviter les allusions. « On a failli se crasher dans les montagnes ! », lance le premier en embarquant dans un simulateur de vol en hélicoptère. Et le second : « On est dans le même appareil ! »
- Fillon contraint d’adapter sa stratégie
A cette heure de la journée, on minimise pourtant l’« affaire ». Le matin, au QG du candidat, à Paris, Patrick Stefanini attend la fin de la réunion pour aborder le sujet. Devant des parlementaires Les Républicains (LR) inquiets, le directeur de campagne juge que les premières explications vont suffire à calmer la tempête médiatique.
Mais l’après-midi, coup de tonnerre : une enquête préliminaire est ouverte par le parquet national financier. M. Fillon est contraint d’adapter sa stratégie. Dans un communiqué publié dans la soirée, il demande à « être reçu au parquet national financier dans les plus brefs délais » et dénonce une manœuvre : « Je ne peux que m’étonner que des faits aussi anciens et légaux fassent l’objet d’une telle campagne, à trois mois du premier tour de l’élection présidentielle. »
Moins dommageable, puisqu’il ne s’agit pas d’argent public, les 100 000 euros brut touchés entre mai 2012 et décembre 2013 par Penelope Fillon de La Revue des deux mondes, propriété du patron de la holding Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière – un ami de l’ancien premier ministre. Seules deux courtes recensions de livres ont été publiées (sous le pseudonyme de Pauline Camille) à l’automne 2012, sans que le directeur de l’époque, Michel Crépu, ne les ait jamais sollicitées. « Un après-midi, Marc Ladreit de Lacharrière m’a appelé et m’a dit : “Penelope Fillon s’ennuie. Pourrait-elle critiquer quelques livres ?”, raconte M. Crépu. Je ne l’ai jamais vue, ne lui ai jamais parlé. Les deux notes ne sont pas passées par moi. »
Cette fois, Marc Ladreit de Lacharrière vole au secours du candidat. « La revue voyait son chiffre d’affaires baisser chaque année, explique mercredi soir le milliardaire au Monde. J’ai donc demandé à quelques amis et personnalités de réfléchir à son devenir, notamment en l’ouvrant vers l’étranger. » « Penelope Fillon était de ceux-là, ajoute-t-il sans donner d’autres noms. C’est une femme intelligente, elle a lu beaucoup de livres – dont deux résumés seulement ont été publiés. »
« On a beaucoup d’ennemis en interne »
Selon l’homme d’affaires, cette « réflexion stratégique informelle » à laquelle M. Crépu, parti fin 2014, n’a pas été associé, n’a pas donné lieu à des réunions. « J’ai dans mes activités une agence de notation, avec des sièges à New York, Londres et Hongkong, je suis un homme du téléphone et de face-à-face », argumente le patron de Fimalac.
Au fil de la journée, la cacophonie des porte-parole sème encore davantage le trouble. Alors que le secrétaire général de LR, Bernard Accoyer, assure sur France Inter avoir « souvent vu » Penelope Fillon « participer à ses travaux », « y compris en de multiples circonstances à l’Assemblée nationale », Florence Portelli, porte-parole de M. Fillon, explique que « si on n’a pas vu madame Fillon, c’est parce qu’elle était dans la Sarthe ».
L’absence de coordination de ses troupes – un problème récurrent dans la campagne – semble agacer l’ex-premier ministre, qui profite d’une table ronde avec un entrepreneur à la cité du vin pour leur glisser une amabilité : « Vous venez de décrire mon projet avec une précision que peu de mes porte-parole sont capables d’apporter ! »
Le candidat ne peut pas compter non plus sur un soutien sans faille de la part d’Alain Juppé, qui au fur et à mesure de la journée prend ses distances. « J’ai choisi de te soutenir, finit par déclarer le maire de Bordeaux. Enfin… j’ai été conduit à te soutenir. »
Décidément bien seul, M. Fillon n’a pas reçu non plus beaucoup de renforts chez les élus LR, dont la grande majorité est restée silencieuse. Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, ancienne proche du candidat, a confié jeudi matin sur RTL qu’elle ne « savai[t] pas » que Pénélope Fillon était assistante parlementaire. Certains des proches du candidat LR ont d’ailleurs suggéré que la « fuite » viendrait de son propre camp. « Le problème, c’est qu’on a beaucoup d’ennemis en interne », s’inquiète un proche de M. Fillon, qui comprend que « l’affaire Penelope » est un rude coup pour celui qui voulait relancer sa campagne avec un grand meeting à Paris, dimanche. « Cela remet en cause sa probité. Or, cela a toujours été un marqueur pour lui », regrette un membre de l’équipe.
Réunion de parlementaires sarkozystes
A moins de quatre mois de la présidentielle, elle fournit un angle d’attaque en or aux adversaires de M. Fillon, tant elle contraste avec la rigueur affichée en matière de gestion de l’argent public. « C’est le principe des boules puantes de taper là où ça fait mal… », se désole un filloniste.
L’« affaire » vient enfin confirmer que, malgré une large victoire à la primaire, la droite peine à faire bloc derrière son candidat. Plusieurs voix se sont élevées en interne ces dernières semaines, tels Laurent Wauquiez, Christian Estrosi ou Rachida Dati. Mercredi matin, une cinquantaine de parlementaires sarkozystes se sont réunis dans un restaurant parisien. « C’est le signe d’une préoccupation », juge Brice Hortefeux.
Lors de ce petit-déjeuner, plusieurs élus, dont Mme Dati, se sont plaints d’une trop faible considération. Il a aussi été question, bien sûr, de « l’affaire Penelope » : « Fillon n’a pas de gens prêts au combat autour de lui. Nous, nous sommes disponibles », a assuré le sénateur de Paris Pierre Charon, qui peut se prévaloir d’une certaine expérience en la matière.
Matthieu Goar, Alexandre Lemarié et Ariane Chemin
::: INTERNATIONAL
LES ECHOS – 27/01/2017
Hollande et Merkel veulent une clarification politique sur l’Europe au sommet de La Valette
Les dirigeants français et allemand se rencontrent vendredi à Berlin pour préparer le sommet organisé à Malte le 3 février. Ils espèrent provoquer un débat avec les pays de l’est sur les valeurs communes aux Européens
Ce sera une des dernières visites officielles de François Hollande à Berlin. Le président de la République s’y rend ce vendredi pour un déjeuner de travail avec Angela Merkel. Objectif : préparer le sommet des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union européenne (UE), qui a lieu le 3 février à Malte, et les cérémonies de commémoration du Traité de Rome, le 25 mars.
Cette rencontre intervient dans un contexte particulier : juste après l’investiture de Donald Trump, qui prône le protectionnisme et salue le Brexit comme s’il espérait une dislocation de l’UE; au début de la campagne électorale française, à laquelle le président a renoncé à participer ; et trois jours après la décision surprise du Parti social-démocrate allemand (SPD) de nommer Martin Schulz pour affronter Angela Merkel en septembre.
Ce calendrier et ce contexte semblent pousser le couple franco-allemand à accélérer le tempo et lancer une opération vérité au sein de l’Union. « Le 60 ème anniversaire du Traité de Rome sera certes une commémoration, explique-t-on à Paris, mais cela ne peut pas suffire ». Dans l’environnement actuel, fait d’incertitudes extérieures mais aussi de divisions à l’intérieur, « les Européens doivent redéfinir une direction commune ». Or l’Europe est profondément divisée par la crise des réfugiés, de nombreux pays à l’est de l’Europe ayant refusé de partager le fardeau des demandeurs d’asile. Aux yeux d’Angela Merkel et de François Hollande, le sommet de La Valette, la semaine prochaine, doit être l’occasion d’engager un débat politique entre dirigeants européens sur les valeurs et objectifs qu’ils partagent. Les Vingt-sept doivent confronter leur visions de l’Europe de demain. Quelle solidarité ? « On ne peut pas refuser au Royaume Uni une Europe à la carte, et permettre à certains dans l’Union de rester à l’écart de la politique d’accueil des réfugiés », souligne-t-on encore dans l’entourage du chef de l’Etat.
Calendrier politique serré
Le débat risque d’être perturbé par le calendrier électoral de part et d’autres du Rhin. La chancelière « a d’abord forcé les autres Etats de l’UE à faire des économies et humilié les Français et les Italiens, a déclaré au « Stern » Sigmar Gabriel le président sortant du SPD, qui doit devenir ce vendredi ministre des Affaires étrangères. Et ensuite elle a frappé à leurs portes pour qu’ils la soulagent de quelques centaines de milliers de réfugiés ». François Fillon ne pense pas forcément différemment. « Ma position est claire : la France ne peut pas accepter plus de réfugiés », a-t-il lancé lundi à Berlin après avoir vu Angela Merkel.
Le candidat du parti Les Républicains veut « rétablir un équilibre dans la relation franco-allemande ». Selon Claire Demesmay, il convient d’être prudent sur les ambitions des candidats dans ce domaine. « Le déséquilibre économique et politique entre les deux pays, mais aussi la multiplication de crises et leur complexité, font que cela restera difficile ». juge l’experte de l’Institut allemand de politique étrangère DGAP. Outre les réfugiés, Berlin profitera sûrement du sommet européen pour évoquer la question du libre-échange. Jeudi, Angela Merkel a abordé la question au téléphone avec le Premier ministre chinois Li Keqiang, cherchant à renforcer l’axe entre l’Europe et la Chine pour faire front aux idées protectionnistes de Donald Trump.
Thibaut Madelin et Catherine Chatignoux
LE FIGARO – 27/01/2017
Premier hôte reçu à la Maison-Blanche, Theresa May vise un accord commercial
Arrivée jeudi aux États-Unis, Theresa May a été invitée à s’exprimer lors d’une réunion des élus républicains du Congrès à Philadelphie, avant son invitation à la Maison-Blanche vendredi après-midi.
Tu seras «ma Maggie». En invoquant la complicité entre Margaret Thatcher et Ronald Reagan, Donald Trump ne pouvait se montrer mieux disposé à l’égard de Theresa May. C’est le premier chef d’État étranger qu’il reçoit, une semaine après son installation à la Maison-Blanche. La diplomatie britannique n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir cette faveur.
Les choses s’étaient pourtant mal engagées, quand le président élu avait appelé une dizaine d’autres dirigeants de la planète avant de parler avec la première ministre en novembre. Pas rancunière, elle lui a envoyé avec ses vœux la copie d’un discours de guerre de Churchill sur la «relation spéciale» entre les deux pays. Trump a remis dans le Bureau ovale le buste du grand homme anglais déplacé par Obama. May a dépêché ses deux chefs de cabinet et même son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, à la Trump Tower auprès du staff du nouveau président, pour solliciter l’invitation.
Arrivée jeudi aux États-Unis, Theresa May a été invitée à s’exprimer lors d’une réunion des élus républicains du Congrès à Philadelphie, avant son invitation à la Maison-Blanche vendredi après-midi. Elle devait appeler les deux pays à s’unir pour «diriger, ensemble, à nouveau». Elle trace un parallèle entre le Brexit et l’élection de Trump. «Alors que nous redécouvrons notre confiance ensemble – vous renouvelez votre nation précisément alors que nous renouvelons la nôtre -, nous avons l’opportunité, et même la responsabilité, de renouveler notre relation spéciale pour cette nouvelle ère», devait-elle déclarer. Enterrées, les critiques sur le candidat Trump «qui sème la division».
Un atout face à l’UE
Theresa May ne ménage pas sa peine pour se présenter en alliée digne de confiance, à l’heure où les deux pays ont fait des choix isolationnistes. Ce rapprochement espéré concrétiserait ses assurances qu’«en quittant l’Union européenne, la Grande-Bretagne ne se retire pas du monde». Les partisans du Brexit n’ont de cesse de rappeler la primauté des liens transatlantiques sur les relations avec l’Europe. C’est pourquoi la priorité de Londres est d’entamer au plus vite les pourparlers d’un accord de libre-échange bilatéral. Trump a affirmé y être disposé et promet même de le conclure très rapidement. À ceci près qu’il faut au préalable que le Royaume-Uni règle sa sortie de l’UE. Cela n’empêche pas le gouvernement britannique de rêver d’un accord prêt à être signé dès celle-ci effective, théoriquement en 2019. Theresa May compte utiliser cet atout dans les négociations sur ses futures relations avec les Européens, au risque de se placer en position de faiblesse par rapport aux Américains.
Beaucoup doutent du réalisme de ces ambitions. Un accord commercial risque de prendre des années. De plus, «les négociateurs américains seront sans doute soucieux de connaître les conditions d’accès de la Grande-Bretagne au marché européen avant de s’engager», précise Allie Renison, spécialiste de la politique commerciale à l’organisme patronal Institute of Directors. 44 % des exportations britanniques sont destinées à l’UE, 17 % aux États-Unis. «Les discussions avec les États-Unis ne peuvent être vues comme une alternative à nos relations existantes avec l’Europe», martèle Carolyn Fairbairn, directrice générale de la Confederation of British Industry.
Inquiétude britannique
Malgré la bonne volonté commune, les intérêts divergent. Il pourrait être difficile de concilier le mot d’ordre de Trump, «l’Amérique d’abord», et le souci de Theresa May de «placer les intérêts et les valeurs britanniques en premier». Si le premier assume son tournant protectionniste, la seconde reste partisane du libre-échange. Déjà, l’inquiétude monte en Grande-Bretagne sur de possibles importations de bœuf aux hormones américain, ou la mise en concurrence du service de santé public. Tout le monde ne voit pas d’un bon œil les courbettes de Theresa May. «Alors qu’elle menace nos partenaires européens, elle promet de signer un chèque en blanc à Donald Trump», dénonce Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste. Le premier ministre britannique est-il prêt à redevenir le «caniche» du président américain, un comportement reproché à Tony Blair face à George W. Bush?
La restauration par Trump de la torture dans les interrogatoires tombe au plus mal. «Je n’ai pas peur de parler franchement au président américain», répliquait May la veille de son départ. Elle redit la condamnation britannique de cette pratique.
Elle entend aussi attirer l’attention de son hôte sur l’importance du rôle de l’Otan, la nécessité de rester ferme face à Poutine et va peut-être tenter, si elle en a l’occasion, de lui vanter les mérites de l’accord sur le nucléaire iranien.
Vous souhaitant une bonne journée et un excellent week-end.
Cordialement,
Elena NATALITCH
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